La détermination du point de départ du délai de prescription d’une action en justice constitue évidemment un élément déterminant pour tous dossiers.

Mais la détermination du point de départ de la prescription relève parfois, sinon des sciences divinatoires, mais de subtils ajustements jurisprudentiels.

En témoigne l’hypothèse de la prescription de l’action en résiliation d’un bail rural par le bailleur en raison de manquements du preneur consistant en la cession, puis la sous-location du bien.

La cession et la sous-location du bien pris à bail rural sont des pratiques interdites par les articles L411-31 II et L411-35 du code rural et de la pêche maritime.

Plus encore, il s’agit de prohibitions d’ordre public.

Dans ces conditions, comment déterminer le point de départ du délai de prescription ?

Trois solutions sont envisageables.

Le point de départ peut être fixé, graduellement, du point de départ le plus ancien au plus récent, soit :

  • au moment de de la prise d’effet de la situation litigieuse (soit au moment de conclusion de l’acte de sous-location ou de cession du bail) ;
  • au moment de la connaissance par le bailleur de la situation litigieuse ;
  • au moment de la cessation de la situation litigieuse ;

A l’évidence, la dernière option se trouve être la plus protectrice du bailleur, repoussant au maximum le point de départ du délai de prescription.

C’est précisément la solution que retient la jurisprudence.

Par un arrêt du 1er février 2018, qui reçoit les honneurs du bulletin, la troisième chambre civile se prononce en faveur de la troisième option :

« la prescription n’a pu commencer à courir qu’à compter de la cessation du manquement imputé au preneur et tenant à la cession du bail ou à une sous-location ».

Peu importe donc que le bailleur ait eu connaissance plus tôt de la situation litigieuse, le point de départ est fixé au moment où le manquement prend fin.

Au cas présent, la connaissance de la sous-location ou de la cession  semblait manifeste dans la mesure où le preneur était…décédé !

Pourquoi une telle solution si avantageuse pour le bailleur ?

En raison, bien entendu, du caractère d’ordre public des dispositions prohibant la sous-location et la cession des baux ruraux. Il en va de l’effectivité de ces dispositions : le passage du temps ne saurait rendre licite des situations dont la prohibition est d’ordre public.

Des lors, le droit du bailleur de demander la résiliation du bail peut intervenir à tout moment tant que le manquement contractuel perdure, bien entendu dans la limite de 5 ans à compter de la cessation de la situation illicite.

Référence : Civ. 3, 1er février 2018, n°16-18724, Bull.