Il est en effet fréquent qu’une entreprise acquière d’une société placée en liquidation judiciaire certains éléments d’actif incorporel, comme des marques, des brevets, des bases de données ou, plus généralement encore, des travaux, études et recherches réalisés par les salariés de la société en liquidation.

Or, le traitement juridique des travaux réalisés par les salariés, pouvant donner lieu à dépôt de brevetsn, antérieurement à la cession, pose difficulté : l’acquéreur de ces éléments d’actif immatériel est-il fondé à revendiquer le régime des inventions de mission, et donc revendiquer la propriété du brevet en question ?

Rappelons qu’un brevet, résultat d'une invention réalisée par un salarié, appartient en principe à l’employeur dès lors que celle-ci a été réalisée dans le cadre de son contrat de travail comportant une mission inventive, qui correspond à ses fonctions effectives.

Or, ce statut favorable du droit des brevets à l’employeur peut-il être invoqué par le cessionnaire des éléments d’actif incorporel ?

Par un arrêt du 31 janvier 2018, publié au Bulletin, la Cour de cassation refuse au cessionnaire le bénéfice du régime des inventions de mission.

Le motif invoqué par la Cour de cassation est simple : le cessionnaire ne possède pas la qualité d’ayant-droit du cédant.

Bien que la définition du terme d’ayant-droit puisse faire, dans ce contexte, l’objet d’une discussion, il faut ici comprendre que le cessionnaire n’a pas acquis les droits d’employeur du cédant, mais seulement les droits portant sur des éléments d’actif immatériel identifiés.

Le régime des inventions de mission ne bénéficie donc qu’à l’employeur, et non au cessionnaire des travaux réalisés par les salariés du cédant.

En pratique, le cessionnaire doit exiger du cédant qu’il exerce, préalablement à la cession, ses droits d’employeur sur les inventions de mission, faute de pouvoir exercer cette prérogative après la cession, et donc revendiquer la propriété des brevets qui en sont issus. Cette exigence parait cependant assez délicate à mettre en œuvre lorsque le cédant est placé en liquidation judiciaire.

Une question reste en suspens : le cessionnaire de l’intégralité du patrimoine de l’employeur pourrait-il, en revanche, bénéficier du statut des inventions de mission prévu par le droit des brevets ?

L’arrêt du 31 janvier 2018 le laisse effectivement penser : en qualité d’« ayant-droit » de l’employeur, le repreneur de l’intégralité du patrimoine doit pouvoir exercer l’ensemble de ses droits, dont celui consistant à revendiquer la propriété des inventions de mission.

Références : Com, 31 janvier 2018, n°16-13262.