Par un arrêt du 28 février 2018, la chambre commerciale de la Cour de cassation a précisé les modalités d’appréciation de la disproportion de l’engagement de la caution.

Comme on le sait, le Code de la consommation prévoit des garde-fous en matière de cautionnement afin de protéger les personnes physiques qui seraient tentées de souscrire un engagement de caution dépassant leurs capacités financières réelles. Il s’agit typiquement, comme au cas d’espèce, d’un engagement de dirigeant envers la banque accordant un crédit en faveur de la société dont il assure la direction.

Afin de protéger la caution, la loi prévoit que le créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation (article L332-1 du code de la consommation).

Deux points traités par la Cour de cassation par cet arrêt du 28 février 2018 méritent d’être observés : il s’agit d’abord de la question du moment (1), puis ensuite, des modalités d’appréciation de la disproportion (2).

1. Le moment de l’appréciation de la disproportion

La Cour d’appel, dont l’arrêt est cassé, avait retenu la disproportion de l’engagement au motif que, onze mois avant la conclusion du cautionnement, le montant de l’engagement (260.000 euros) était pratiquement du même niveau que le patrimoine total de la caution (290.000 euros), sachant, de plus, que son patrimoine était grevé de divers remboursements.

Le patrimoine de la caution était donc, en apparence, disproportionné par rapport à son engagement.

Toutefois, la loi commande d’apprécier la disproportion de l’engagement « lors de sa conclusion ». La Cour de cassation casse donc l’arrêt au motif que les juges n’auraient pas dû apprécier la disproportion du patrimoine en se plaçant onze mois avant la date de l’engagement, même en essayant d’actualiser les données relatives au patrimoine de la caution en tenant compte des divers remboursements dont elle devait s’acquitter.

En pratique, il convient donc pour le juge de dresser l’état du patrimoine de la caution au jour de l’engagement, sans recourir à des projections ou des présomptions.

2. Les modalités d’appréciation de la disproportion

Plus délicat encore, comment apprécier la disproportion de l’engagement ? Pour être déclaré disproportionné, le remboursement doit-il être impossible ? Ou bien le remboursement peut-il encore être possible, mais fût-ce au prix d’un dépouillement de la caution ?

Le terme « disproportion » invite, de prime abord, à considérer que, même si le remboursement demeure possible, il risquerait d’obérer démesurément le patrimoine de la caution. La Cour d’appel avait statué en ce sens.

Mais la chambre commerciale retient que la disproportion s’entend comme « l’impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement ». La disproportion est donc ici synonyme « d’impossibilité » de faire face au paiement, et non seulement de difficultés.