Par un arrêt du 24 novembre 2015, publié au Bulletin, la Cour de cassation vient de rappeler avec fermeté les règles applicables en matière de compétence juridictionnelle internationale.

A défaut d’attribution conventionnelle expresse de compétence au profit des juridictions françaises, l’invocation par une société française d’une loi de police française – en l’occurrence les dispositions de l’article L. 442-6 I, 5° du code de commerce – n’est pas de nature à faire échec à l’application des règles de conflit de juridiction de droit commun.

1) En l’espèce, une société de droit allemand, Lauterbach GmbH, avait confié pendant vingt ans à la société française Logic Instrument la distribution de ses produits sur le territoire français, avant de lui notifier la rupture de leur relation commerciale, avec un préavis de huit mois.

S'estimant victime d'une rupture brutale de relation commerciale établie, la société Logic instrument a assigné la société Lauterbach GmbH devant un Tribunal de commerce français sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce. On sait qu’en application de ce texte, d’ordre public, seuls certains tribunaux de commerce spécialisés peuvent connaitre des actions fondées sur la rupture de relations commerciales établies.

Le débat s’est donc engagé sur la question de la compétence des juridictions françaises.

2) Une clause attributive de juridiction au profit des tribunaux de Munich (« Gerichtstand München ») figurait certes dans les factures et des correspondances adressées par la société Lauterbach à la société Logic instrument pendant plus de 20 ans. Mais il n’était pas démontré que cette clause ait été portée préalablement à la connaissance du distributeur lors de l'émission des bons de commande ni qu'elle ait été approuvée au moment de l'accord sur les prestations.

De ce fait, la cour d’Appel de Versailles avait considéré que cette mention ne constituait pas une convention attributive de juridiction, au sens de l'article 23 du règlement (CE) n°44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000. Elle avait donc considéré que la loi de police fondant la demande, i.e. l’article L. 442-6 I du Code de commerce, s'imposait en tant que règle obligatoire pour le juge français. Elle en avait déduit la compétence des tribunaux français pour connaitre de la demande.

3) La Cour de cassation confirme l’analyse de la Cour d’Appel de Versailles en ce qui concerne l’absence de portée de la mention d’une attribution de compétence, qu’elle considère non convenue entre les parties.

En revanche, l’arrêt de la Cour d’Appel est cassé au motif suivant : « seules les règles de conflit de juridictions doivent être mises en oeuvre pour déterminer la juridiction compétente, des dispositions impératives constitutives de lois de police seraient-elles applicables au fond du litige »

Selon la Cour de cassation, la juridiction française devait donc se déclarer incompétente au profit des juridictions allemandes. Il importe peu qu’une loi de police française soit invoquée, celle-ci ne justifiant pas, selon la Cour de cassation, la compétence des tribunaux français au regard des règles de conflit de loi.

4) On ne saurait donc trop insister sur l’absolue nécessité pour les partenaires commerciaux de négocier et contractualiser avec clarté, et dans les formes édictées par la jurisprudence, la clause déterminant la juridiction à laquelle ils entendent attribuer compétence.

A défaut, les règles classiques du conflit de loi seront appliquées, sans que l’invocation de l’ordre public français soit de nature à attraire le litige vers le juge français. Ce débat engendrera nécessairement des coûts, des délais et une incertitude juridique redoutables.

La prudence est donc de mise.

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